Structuration de l’évaluation multi-acteurs multicritère du risque de l’insecticide Gaucho® vis-à-vis des abeilles : les Acteurs
La construction de la Matrice de Délibération nécessite la définition de ses trois axes : les acteurs, les enjeux et les scénarios, ainsi que d’un ensemble d’indicateurs candidats. Pour l’identification des enjeux et des acteurs, nous avons utilisé aussi bien la littérature scientifique et la littérature « grise » (e.g., rapports OCDE, rapport d’audit pour le secteur apicole, rapports d’activité de Bayer, etc.). Pour l’identification des indicateurs, nous avons mobilisé le modèle DPSIR tétraédrique.
L’identification des acteurs est basée sur les interventions dans les débats publics. Nous avons ainsi choisi les catégories qui ont été le plus représentées, et qui ont été concernées directement par l’un ou l’autre des aspects du débat (production de la connaissance – l’AFSSA et les chercheurs travaillant dans le domaine public, partie affectée par les dommages - les apiculteurs, responsabilité probable pour des dommages - Bayer, prise de décision – le Ministère de l’Agriculture). La classification qui est résultés a été presque « imposée » par la réalité du débat, dans lequel les acteurs qui sont intervenus sont bien distincts.
D’autres catégories d’acteurs pourraient aussi être jugées pertinentes, même si elles ne se sont pas directement exprimées sur la scène publique. Il s’agit par exemple des agriculteurs, dont les interventions publiques sont restées relativement limitées, ou des consommateurs - citoyens, qui n’ont pas été représentés du tout, mais qui sont directement concernés[1]. Les catégories de parties prenantes qui ont été retenues sont : « Apiculteurs », « AFSSA » (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments), « Bayer », « Ministère de l’Agriculture », « Scientifiques travaillant dans le secteur public ».
Ministère de l’Agriculture et de la Pêche
Le ministère de l'Agriculture et de la Pêche accomplit des missions concernant l'ensemble des acteurs du monde rural, ainsi que les consommateurs. Ces missions « se caractérisent par une grande diversité faisant appel à de nombreuses compétences :
- Le contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire des aliments
- La préservation de l'environnement et de l'espace naturel
- La responsabilité de l'Enseignement Agricole
- Le développement économique des secteurs agricoles et agro-industriels en France, au sein de l'Union européenne et à l'international
- Le développement de l'emploi en milieu rural » (http://www.agriculture.gouv.fr/spip/)
Dans le débat autour de l’insecticide Gaucho, les rôles principaux ont été joués par la DGAL, ainsi que par les Ministres de l’Agriculture, qui sont intervenus quatre fois pour prendre des décisions de suspension de l’usage du produit en enrobage des semences de tournesol et de maïs.
La DGAL réglemente les matières premières animales et les établissements de production et de transformation des denrées animales destinées à la consommation humaine. La DGAL dispose de directions départementales des services vétérinaires (une dans chaque département du pays).
Dans le cadre de cette Direction, le Service de la Protection des Végétaux est responsable de l'application des directives phytosanitaires de l'Union Européenne. Une de ses missions concerne le suivi post-homologation des risques des produits phytosanitaires.
Un des principaux organismes qui informait le Ministère de l’Agriculture en ce qui concerne le risque des produits phytosanitaires était la Commission d’étude de la toxicité des produits anti-parasitaires à usage agricole et des produits assimilés, des matières fertilisantes et des supports de culture, dite souvent par abréviation « Commission des toxiques ». Celle-ci était composée d'experts toxicologues et écotoxicologues indépendants. Pour les produits phytopharmaceutiques, la Commission des toxiques était chargée d’analyser le dossier du point de vue toxicologique pour l’homme et écotoxicologique pour l’environnement, préalablement à leur homologation.
Le Comité d’homologation des produits anti-parasitaires à usage agricole et des produits assimilés, en connaissance notamment de l’avis de la Commission des toxiques sur les produits phytopharmaceutiques, étudiait plus spécialement la partie relative à l’efficacité de ces produits et aux effets agronomiques non intentionnels. Les critères étaient définis principalement à partir de la directive 91/414/CEE relative à ces produits. Ce Comité opérait dans le cadre de procédures réglementaires, comme la demande d’autorisation de mise sur le marché, (AMM), à laquelle sont soumis obligatoirement les produits commercialisés. Il proposait une décision au ministère.
Les apiculteurs
Le monde apicole est représenté par trois syndicats :
L’UNAF, qui regroupe plus de 100 syndicats départementaux représentant environ 22 000 apiculteurs professionnels, pluriactifs et des petits producteurs ;
SPMF (Syndicat des Producteurs de Miel de France), qui réunit les apiculteurs professionnels français ;
SNA (Syndicat National d’Apiculture), qui regroupe 119 antennes départementales pour un effectif de 32 000 adhérents.
La Coordination des Apiculteurs de France, qui s’est formée en 1997 pour défendre les intérêts du monde apicole dans le cas Gaucho, regroupait tous les trois syndicats.
L’audit de la filière apicole réalisé en 2004 donnait les chiffres suivants :
1 360 973 ruches en France. Selon cette étude, le résultat indique une relative stabilité du nombre de ruches ;
69 600 apiculteurs (y compris la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion), équivalent à une baisse de 15.200 par rapport à 1994. Parmi eux, 1 762 sont des professionnels (qui ont plus de 150 ruches) en France métropolitaine (un peu plus si l’on tient compte des départements dont la répartition des apiculteurs n’est pas renseignée). Ces apiculteurs détiennent près de 600 000 ruches, soit 45% du cheptel.
Les données publiées dans ce rapport (GEM-ONIFLHOR, 2005) mettent en évidence la baisse sensible, entre 1994 et 2004, des apiculteurs possédant moins de 70 ruches (surtout ceux qui possédaient moins de 10 ruches) mais une augmentation du poids relatif des apiculteurs pluriactifs et professionnels.
Bayer CropScience
Créé en 1863, Bayer est aujourd’hui implantée dans 150 pays. En France, son chiffre d’affaires s’élevait en 2000 à 2 milliards d’euros, dont 15,4 % provenant de la branche agronomique.
Bayer CropScience été créée au début de l'année 2002 à partir de l'acquisition par Bayer du français Aventis CropScience. Cette acquisition fait de Bayer la plus grande entreprise de technologie génétique d'Europe et le deuxième producteur de pesticides du monde. Bayer CropScience contrôle environ un cinquième du marché mondial des produits chimiques agricoles. La compagnie emploie dans le monde environ 20 000 salariés, dont 1 885 personnes en France (chiffre 2004). Son volume total de ventes récent est de 6,5 à 7 milliards d'euros / an.
Les scientifiques travaillant dans le secteur public
Plusieurs chercheurs du secteur public (notamment de l’INRA et du CNRS) ont été impliqués dans les recherches concernant les divers aspects du risque du Gaucho pour les abeilles.
Un rôle important a été joué dans le débat par le Comité Scientifique et Technique (CST), créé par le Ministère de l’Agriculture, qui comprenait une vingtaine d'experts indépendants. Ses missions étaient de proposer les axes d'étude, ainsi que les laboratoires les plus aptes à en assurer la réalisation, de valider les différents protocoles d'études, de procéder à l'analyse et à la synthèse des résultats et de rendre compte de cette analyse au comité de pilotage. Le Collectif d’étude multi-factorielle des troubles de l’abeille était composé, en plus du CST, d’un Comité de Pilotage, placé sous la présidence d'un représentant du Ministère de l'Agriculture. Son rôle était d'animer l'ensemble de l'étude, de coordonner les différents aspects (scientifique, économique, réglementaire), d'en lancer les différentes étapes, de rendre compte de l'avancement de l'étude au ministre et d'assurer la communication vis à vis des partenaires, mais aussi du public.
L’AFSSA
L’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments, http://www.afssa.fr/) est un établissement public de l'État placé sous la tutelle des ministères de la Santé, de l'Agriculture et de la Consommation. L’Agence a été créée le 1er avril 1999 en application de la loi du 1er juillet 1998 relative à la veille sanitaire et à la surveillance des produits destinés à l'homme.
Elle a trois missions principales :
évaluation des risques nutritionnels et sanitaires sur l’ensemble de la chaîne alimentaire et sur chacune de ses étapes, de la production à la consommation ;
recherche et appui scientifique, notamment en matière de santé animale et de maladies d’origine animales (12 laboratoires répartis sur 10 sites) ;
des responsabilités spécifiques en matière de médicaments vétérinaires.
Le Laboratoire d’études et de recherches sur les petits ruminants et les abeilles (Sophia-Antipolis), qui a été plus directement impliqué dans les recherches concernant les troubles des abeilles, étudie les principales maladies des moutons, des chèvres et des abeilles.
[1] Ainsi, le rôle de pollinisateur des abeilles est aujourd’hui un service environnemental encore largement gratuit en France, et n’est donc pas une composante des prix des produits agricoles ; ce n’est pas le cas dans d’autres pays, comme par exemple aux Etats-Unis, ou la pratique de pollinisation commerciale – les apiculteurs louent leurs ruches aux agriculteurs pour assurer la pollinisation de leurs cultures – est très répandue. En outre, les citoyens peuvent être directement concernés par la perte de biodiversité sauvage, pour l’état de santé pour lequel l’abeille constitue un bioindicateur.